Je vois aujourd'hui dans le Monde le terme de "Fausse science", un terme qui me fait réagir ici. Le début de l'article est le suivant: "C’est un mal discret qui ronge silencieusement la science, et qui s’étend avec une inquiétante célérité. Depuis un peu moins d’une décennie, des sociétés peu scrupuleuses créent à foison de fausses revues scientifiques qui acceptent de publier, moyennant finances, des travaux parfois fragiles, voire carrément frauduleux ou fantaisistes. Aux côtés d’une vingtaine de médias écrits et audiovisuels internationaux, qui se sont coordonnés pour publier simultanément le résultat de leurs travaux, Le Monde a enquêté sur cette science contrefaite. Celle-ci est en pleine expansion : environ 10 000 revues dites « prédatrices » contribuent à construire une science « parallèle », susceptible de tromper les administrations publiques, les entreprises, et même parfois les institutions scientifiques elles-mêmes."

"Fausse science", "fausse revue scientifique": les termes ici me font réagir. En tant que scientifique professionnel depuis plus de 25 ans, les points suivants me viennent à l'esprit.

(1) Le processus de création de résultats scientifiques est très complexe. Il s'est mis en place progressivement depuis plus de 300 ans, et implique plusieurs centaines de milliers de chercheurs dans toutes les branches de la science, et dans tous les pays. Ce ne sont pas quelques journaux grand public qui vont déterminer comment fonctionne la science.

(2) Les résultats scientifiques sont rédigés, mis en forme, puis soumis à des revues scientifiques. Ces revues font en général appel à des électeurs, souvent anonymes, pour évaluer la logique et les résultats présentés. Les électeurs normalement ne laissent pas passer des articles sans intérêt ou sans mérite. Nous n'employons pas le terme "faux" ici car ceci sous-entend une autorité qui déterminerait ce qui est vrai ou faux, autorité inexistante dans le monde de la science. Certaines revues sont bien établies et leur sérieux confirmé via le processus de relecture par plusieurs électeurs anonymes. Pourtant, ces revues peuvent régulièrement publier des articles sans logique, mal construits, mal imaginés. Le sérieux de la revue ne garantit pas le caractère "vrai" ou "faux" de l'article publié. Un article publié peut se révéler mal construit, sans intérêt. Un article publié dans une revue obscure peut se révéler plus tard comme étant un article fondateur. Ce n'est pas le sérieux de la revue qui fait l'intérêt de l'article. Les revues dites prédatrices ont aussi le droit d'exister dans le monde scientifique, car il n'y a pas de règle universelle admise par tous. Le terme "fausse science" n'est pas défini, ces mots n'ont pas de sens précis.