L’homme, cet animal

Publié le 23 Janvier 2017

La source de ma philosophie personnelle est l’axiome selon lequel l’homme est un animal. Cela n’a l’air de rien, c’est une exagération pour certains, une évidence pour d’autres, mais les conséquences de cet axiome sont multiples.

D’un côté cela rend obsolète les multiples discussions autour de la différence entre l’homme et l’animal : la conscience de soi, le langage, l’âme, le cerveau, la marche, les mains, le feu, l’enseignement, l’art, le sadisme, la métaphysique, le fait de tuer gratuitement, l’organisation sociale, la destruction de l’environnement… Selon mon axiome, tout cela est obsolète, n’a pas de sens, est hors sujet. Si l’homme est un animal, inutile de chercher quelque chose qui le différencier qualitativement des autres animaux. Toutes ces différences proposées par de nombreux auteurs, sont des inventions pour tenter une différenciation qualitative qui expliquerait un statut particulier à l’homo sapiens sapiens.

Une des origines anciennes de cette croyance de la différence qualitative entre l’homme et l’animal est à trouver, sans doute, dans la Bible (j’ai assez peu d’infos sur les textes fondateurs des autres religions, mais c’est à creuser). Je ne suis pas un grand lecteur de ce livre, que je n’ai jamais lu et dont je n’ai jamais possédé un exemplaire. Mais par une courte recherche j’ai pu voir que dans la Genèse, chapitre 1, section 28, on voit que l’homme doit « assujetir » la terre, « dominer » tous les animaux qui se meuvent sur la Terre. Au XIXe siècle, la société occidentale dominée par la religion chrétienne, et suivant ces principes généraux, a pensé que l’homme avait un statut particulier sur Terre, lui permettant de séparer la nature de lui-même, étant « hors nature ». Au moment des avancées darwiniennes, le fait que l’homme puisse être apparenté au singe a d’ailleurs posé de grosses controverses. Les bourgeois en rouflaquettes ne pouvaient pas l’accepter. Ils cherchaient à minimiser leurs propres activités biologiques, et niaient le fait qu’elles étaient liées à leur animalité. Ils refusaient absolument toute idée d’animalité. L’idée générale était que l’homme occidental était hors nature, d’ailleurs différent des hommes dits « simples » des civilisations jugées inférieures. Plus tard ce préjugé a disparu, on a finalement admis universellement que l’homme était une seule et même espèce. Mais l’Homme était toujours considéré comme hors nature, avec un statut particulier, comme listé ci-dessus : par son langage, sa conscience, son âme, son caractère mauvais (par opposition aux animaux jugés « bons » ou « neutres »), son absence de pitié, sa destruction de l’environnement…

Comment l’Homme (la majuscule représentant l’espère homo sapiens sapiens) serait-il hors nature ? Au début de la révolution industrielle et vers la fin du XIXe siècle, il était supposé que même la biologie humaine serait différente de la biologie animale, d’où les différentes disciplines enseignées à l’université. L’homme aurait un fluide particulier, qui serait différent de celui des animaux, qualitativement différents. Descartes avait bien écrit que l’homme est doué de parole et de raison, tandis que l’animal obéit à ses instincts. Ceci est resté ancré en nous jusqu’à l’époque actuelle, et nous accorde, à nos yeux, un statut particulier.

Pour moi tout ceci est obsolète et dépassé. L’espèce humaine est totalement ancrée dans l’évolution, elle n’a rien de qualitativement différent des autres espèces animales cousines. Nous avons réussi à mieux domestiquer l’environnement, à mieux nous protéger des éléments, des maladies, etc. Mais nous restons totalement animaux, êtres biologiques appartenant à la succession des espèces en constante évolution.

Si l’on admet cet axiome, disant que l’homme est animal, et donc fait partie de la Nature, de nombreuses conséquences s’en déduisent concernant les débats écologiques actuels.

D’un côté la notion même d’impact anthropique n’a plus lieu d’être. Nous faisons partie de la nature, pourquoi notre impact sur notre environnement ne serait-il pas « naturel ». On différencier classiquement la variabilité naturelle climatique et les impacts anthropiques. Ceci sous-entend que nous ne serions pas naturels. Selon mon axiome du caractère animal, et donc naturel de l’Homme, tous nos impacts, grands ou petits, font partie du monde naturel. Nos buildings, nos déchets, nos pollutions chimiques, sont des conséquences de nos activités. Nous sommes naturels, donc les buildings, les déchets, les décharges, les pollutions, sont « naturelles » également.

Nous ne sommes pas des extra-terrestres ; nous ne sommes pas des êtres hors nature, créés par un Dieu pour être au-dessus des autres espèces. Dans ce cadre nous sommes à l’intérieur de la nature et donc tous nos impacts, grands ou petits, font partie de la nature.

Certains idéologues ont proposé le terme « anthropocène » pour imaginer une nouvelle ère géologique correspondant à l’impact humain sur la planète. Ce terme n’a pas de sens. L’homme fait partie de la nature et son impact potentiel, réel ou non, n’est pas un sujet de discussion spécifique, pas plus que « l’éléphantocène » ou le « bactériocène ». Nous faisons partie de l’écosystème global, nous n’en sommes pas extraits, d’une façon arbitraire, par un acte divin.

Rousseau a écrit des textes fondateurs, visant à glorifier l’homme primitif, et à déplorer l’impact négatif de la civilisation. C’était une posture, sa propre vision correspondant à ses interprétations de la société de son époque et de ses premières rencontres avec des civilisations moins technologiques. Ceci a donné lieu, par des voies détournées, à l’écologie politique née dans les années 1970. Selon cette doctrine, le développement technologique est mauvais, et l’homme devrait chercher à revenir à l’état de nature. Des mouvements de retour à la nature ont suivi, dans les années 1970 et 1980, jusqu’à maintenant. L’idée générale est de chercher utopiquement à ce que l’homme soit en « harmonie » avec la nature, à favoriser la production locale, le bio, éventuellement la décroissance. Tout ceci est en fait idéologique, correspondant à une idée doublement faussée de la « nature » idéalisée :

  • d’un côté la place de l’homme est actée, puisque des cultures et des élevages sont prônés dans ce contexte, mais ces cultures et ces élevages sont supposés avoir peu d’impacts, malgré le fait qu’elles soient le résultat de milliers d’années de déboisements et de cultures humaines. Il n’y a ici aucune définition précise de la notion d’impact, sauf à revenir à une situation pré-industrielle supposée idyllique : dans l’absolue, si l’on veut peu d’impact, il faut supprimer l’espèce humaine.
  • La logique finale de cette idéologie est de revenir à l’âge des cavernes, en refusant tout progrès technologique : refus de l’électricité, de toute technologie, des progrès de la médecine. Retour aux peaux de bête. Mais même en faisant ceci, l’homme sera toujours homme et la nature sera la même. C’est une auto-flagellation, un refus de toute exploration et développement, compréhension de la nature, pas notre espèce. La conséquence logique de cette idéologie serait de revenir aux sorciers, aux hordes, aux conflits des civilisation pré-écritures.

Ma position est une posture extrême, mais philosophique car reposant sur un axiome assez solide. Selon cette position, tout ce que l’homme fera, même s’il décide (par des actes socio-politiques que j’espère peu probables) de détruire sa planète par un déflagration nucléaire, ce sera toujours quelque chose de naturel . Vu d’une espèce extra-terrestre hypothétique, qui nous observerait de sa position ailleurs, ce serait un épiphénomène naturel. L’Homme n’est pas mauvais, il n’est pas seul à avoir une conscience, il n’est pas seul à parler, il n’est pas seul à marcher, à avoir des mains, à avoir des relations homosexuelles, à faire preuve de violence supposée gratuite, à rire, à penser, etc.

La fameuse « écologie politique » est une posture philosophique qui trouve sa racine au XVIIIe siècle avec Rousseau, et au XIXe siècle avec les bourgeois victoriens du début de la révolution scientifique, qui pensaient que l’Homme occidental avait un rôle spécifique sur la Terre. Si l’on poursuit de façon sensée et réfléchie l’axiome fondamental de la science moderne, c’est-à-dire que l’homme est fait de cellules obéissants aux mêmes lois que toutes les cellules formant les autres animaux sur terre, alors la conséquence est que l’homme fait partie de la nature et qu’on ne peut séparer nature et culture, homme et nature, impact anthropique et fluctuations naturelles.

Rédigé par Francois G Schmitt

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